Le Tabagisme des seniors
Le tabagisme des seniors est différent du tabagisme des fumeurs plus jeunes, notamment car les motivations sont différentes et le tabagisme des personnes de plus de 60 ans est à l'origine d'une morbidité spécifique.
Tabagisme des seniors: important et en hausse
Beaucoup de personnes âgées fument même si les taux de prévalence tabagique des seniors sont inférieurs aux taux des classes d'âge plus jeunes. Mais la part des fumeurs âgés est en augmentation, singulièrement chez les femmes, et cette tendance est mondiale. La part de population âgée augmente et donc proportionnellement le nombre de fumeurs âgés. En France, en 2010, chez les seniors âgés de 65 à 74 ans la prévalence tabagique était de 10% chez les hommes et de 6% chez les femmes. En Écosse, d'après des données de 2007-2008, 20% des personnes âgées de 60 à 74 ans sont des fumeurs réguliers et la prévalence de fumeurs est de 11% chez les plus de 75 ans. En 2005 aux USA on estimait que 22,4% des adultes âgés de 45-64 ans fumaient et 9,1% des plus de 65 ans. En Inde, selon des données de 2010, 49% des seniors âgé de 60 ans et plus consomment du tabac (sous différentes formes). Au Canada, la prévalence tabagique des plus de 55 ans est de 12%. Une étude récente a estimé la prévalence tabagique des personnes âgées de 65 ans dans 17 pays d'Europe à 11,5% en 2010.
Le tabagisme actif baisse avec l'âge mais cette diminution est en partie due à la mortalité dans cette catégorie d'âge car les fumeurs meurent en moyenne 13 à 14 ans plus tôt que les non-fumeurs. Les fumeurs seniors sont des fumeurs de longue date -ce sont les plus nombreux- ou des fumeurs tardifs qui ont commencé à fumer à la suite d'évènements stressants (deuil, retraite, isolement social...)
Tabagisme des seniors: profil et motivations à fumer
Le tabagisme des seniors est lié au stress à l'instar des autres addictions (alcool, médicaments psychotropes...) chez le sujet âgé. (1) Plusieurs études, dont des études menées en France et en Inde, montrent que le tabagisme des seniors est souvent lié à une consommation excessive d'alcool. (2) (3) Les symptômes souvent associés au tabagisme chez les personnes âgées de 60 à 75 ans sont les difficultés cardio respiratoires, les symptômes anxieux et dépressifs. On constate aussi un taux d'isolement social plus élevé chez les seniors fumeurs que chez ceux qui sont non-fumeurs. La tolérance à l'égard des fumeurs est sans doute moindre aujourd'hui et le tabagisme pourrait être un facteur d'exclusion.
Les seniors constituent une population particulière de fumeurs, parce qu'ils sont des fumeurs de longue date survivants, en grande majorité fortement dépendants à la nicotine et à l'habitude. Fumer pour les seniors contribue à définir une identité sociale et personnelle. Ils ont commencé à fumer à une époque où le tabagisme était acceptable et même bien vu. (4) Fumer est pour eux un symbole de convivialité et de visibilité sociale, mais aussi de relaxation et de plaisir. (5) Une étude a souligné que les fumeurs âgés ne voulaient pas se priver d'un plaisir dans la vie -soit fumer-alors qu'ils allaient bientôt mourir. (6) Leurs motivations positives à fumer sont aussi la lutte contre le stress (les stress psychologiques) et la représentation d'une absence de bénéfices au sevrage à un âge avancé. (7) Des études ont aussi montré que les sujets âgés estiment que la cigarette est un psycho-stimulant. (8)
Le tabagisme: principale cause de décès chez les seniors
Les fumeurs âgés ont un taux de mortalité presque doublé par rapport aux non-fumeurs. (9) Les causes de surmortalité les plus fréquentes chez les fumeurs de plus de 60 ans sont le cancer des poumons, les maladies cardiovasculaires et les maladies pulmonaires obstructives. Le tabagisme est impliqué dans 84% des cas de cancer du poumon et dans la grande majorité des maladies pulmonaires obstructives. Une méta-analyse montre que le tabagisme des sujets de plus de 60 ans est associé à une augmentation de la mortalité de toutes causes. (10) Fumer entraîne des risques spécifiques pour le sujet âgé: un déclin cognitif accéléré (11), un risque supérieur de maladie d'Alzheimer (12) et d'aggravation de la maladie d'Alzheimer (13) un risque augmenté de dégénérescence Maculaire liée à l'âge (DMLA) (RR=2,83) (14),d'ostéoporose post-ménopausique (15) une aggravation de l'ostéoporose (16) un risque augmenté de fracture du col du fémur (17) un risque de déficit fonctionnel global (18), une augmentation du risque de complications de la chirurgie cardio-vasculaire et thoracique (19)
Le sevrage tabagique est bénéfique chez les fumeurs âgés. L’abandon du tabac diminue le taux de mortalité et de morbidité chez les fumeurs même chez ceux qui ont fumé non stop pendant plus de 30 ans. Les effets de l’arrêt sont plus immédiats sur les maladies cardiovasculaires. Une étude de cohorte de 2013 a montré un gain d'espérance de vie de 4 ans chez les fumeurs qui ont arrêté de fumer à l'âge de 65 ans. (20) Une autre étude a mis en évidence que l'arrêt du tabagisme à l'âge de 65 ans permettait un gain de vie de 1,4 à 2 ans chez les hommes et de 2,7 à 3,7 chez les femmes. (21) Arrêter de fumer même après 60 ans améliore aussi la qualité de vie.
En outre, le sevrage tabagique n'est pas plus difficile pour les seniors. Ils sont moins enclins à tenter l'arrêt mais leurs tentatives d'arrêt ont autant de chances de réussir que celles des sujets plus jeunes. (22)
La question du tabagisme des seniors est un véritable sujet de santé publique. Le tabagisme des sujets de plus de 60 ans ne devrait donc pas être négligé et le soutien médical à l'arrêt renforcé.
Auteur: Anne-Sophie Glover-Bondeau